Ecrire ▼01. Abigaël est d'une nature très douce. Si on ne la cherche pas elle n'attaquera jamais la première.  ▼02. Calme et réfléchie la jeune femme est naturellement brillante et a obtenu ses buses haut la main.  ▼03. Abigaël a pris l'habitude d'écrire de longues lettres à son frère, même si elle ne les envoie jamais, tout bêtement parce qu'elle n'a pas son adresse.  ▼04. Elle aime d'ailleurs ce frère trop protecteur autant qu'elle le craint et est bien partagée entre ces deux sentiments. Elle est même perdue. ▼05. Elle a appelé papa un homme qui n'était pas son père pendant sept ans avant de se retrouver brusquement séparée de ce dernier ainsi que de son frère par le divorce de ses parents. ▼06. Lorsqu'elle se présente, elle hésite toujours au moment de donner son nom de famille. ▼07. Elle finit d'ailleurs systématiquement par donner celui de son beau-père, considérant que c'est plus légitime. ▼08. Son véritable nom de famille serait presque un trésor pour elle. Elle le conserve jalousement et ne le confie qu'à ses amis les plus proches ou lorsqu'elle y est obligée. ▼09. Ce nom est la seule chose que cet homme lui a laissé, si l'on excepte le manque, évidemment. ▼10. Abigaël parle trois langues. Le français, qu'elle a appris lors de ses sept premières années, l'hébreu que lui a appris sa mère et l'anglais. ▼11. La jeune femme se suffit souvent à elle-même et passer des heures dans le silence ne la dérange pas, son imagination étant -très- féconde. ▼12. Elle se perd d'ailleurs dans son monde, un monde où tout est plus simple. ▼13. Si Abigaël est non-violente cela ne fait pas d'elle une sorcière peu talentueuse, loin de là. Elle est Défense, pas Attaque, voilà tout. ▼14. Si elle devait choisir un camp Abigaël se tournerait vers l'Ordre. 


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que pensez-vous de la valeur du sang ? Qu'on soit issu d'une famille de sorciers dont le sang n'a jamais été mêlé, que l'on vienne d'une famille où ce fut le cas ou que l'on se découvre premier sorcier de sa famille, le sang qui coule dans nos veines est de la même couleur. Rouge. Abigaël se moque bien de l'origine des gens, ce qui compte, à ses yeux, c'est ce qu'ils sont. Elle ne juge d'ailleurs jamais personne, elle attend que les gens lui donnent des raisons de les aimer ou non. C'est ce qui la rend inaccessible, sa propension à la neutralité. Pour Abigaël, le sang ne devrait pas être une barrière aux sentiments. Loin de là justement. La diversité est une richesse.

« Encore papa ! Raconte-nous encore une histoire ! S'il te plaît !
- Bon, très bien, mais ensuite il sera l'heure de dormir les enfants !
- Promis... ! »

Les rires de votre père emplissent la pièce et le regard qu'il pose sur vos visages est doux. Une famille. Vous êtes une famille. La plus belle des familles...
« Il était une fois... Un petit hippogriffe qui s'était perdu dans la forêt interdite... Et alors il... »
La voix de ton père est une mélodie qui t'entraîne doucement vers le sommeil. Un sommeil apaisé, un sommeil que tu attends et que tu espères. Car tu sais que si tu t'endors maintenant, tu pourras rester dans le lit de ton frère, dans les bras de ce frère de trois ans ton aîné que tu aimes et admires si fort. Car il est le meilleur, le plus fort aussi, et il a promis de te protéger pour toujours. Alors quand tu es dans ses bras, tu n'as peur de rien. Ni du noir, ni du détraqueur sous ton lit, ni des mangemorts du placard, ni même des araignées. C'est dire ! Vous êtes une famille. Plus tard, quand papa aura fini son histoire et que Morphée sera venu t'emporter, tu sais que maman viendra t'embrasser et te dire bonne nuit. Ton bonheur sera alors complet et tu pourras rêver comme jamais. Tu luttes un peu, comme pour résister à la torpeur qui t'emporte peu à peu parce que tu as envie que le petit hippogriffe retrouve sa famille. C'est tellement bien, une famille. Surtout la tienne. Tu as le meilleur grand frère du monde, le papa le plus fort du monde et la maman la plus belle du monde. Tu es certaine que tous t'envient, d'avoir une si belle famille. Ce soir-là, tu n'as jamais su si le petit hippogriffe avait fini par retrouver sa famille, pas plus que tu n'as senti les lèvres de ta mère se poser sur ta joue à la fin de l'histoire. Tout ce dont tu te souviens, c'est de t'être endormie dans les bras de ton grand frère. À cette époque, tu avais cinq ans. Dommage que les plus belles années de ta vie ne soient qu'un vaste mensonge...




Un flash, le temps d'une seconde. Un nom, un visage, aussi. Il est blond, il est grand, et tu as le même nez que lui. Il te sourit et tend la main vers toi, puis plus rien. Dans ta petite main, c'est celle de maman qui s'y trouve. Tu as dû rêver, sûrement. Papa dit toujours que tu vis dans les étoiles, sur la lune, même, et que ton imagination est débordante. Mais pourtant, quand tu rêves, les noms ne s'affichent pas dans ta tête. C'est toi, toujours toi qui les choisis. Là, tu as l'impression que c'est comme ça. Que ce grand monsieur blond qui te ressemble beaucoup s'appelle vraiment Dean Abberline et que tu n'as pas ton mot à dire. C'est bien dommage, parce que Dean, ce n'est pas un prénom que tu aimes bien. Tu préfères le tien, de prénom, ou celui d'Abel, parce que tu trouves qu'on dirait presque que vos prénoms sont liés, et ça te plaît. Ça te plaît parce qu'Abel, on dirait qu'il ne t'aime plus beaucoup. En fait, Abel, il aime plus personne maintenant. Toi tu l'aimes toujours Abel, alors tu ne comprends pas. Tu ne comprends pas pourquoi maman a séparé vos chambres et ne veut plus que tu joues avec lui, pourquoi maintenant il n'y a plus d'histoires le soir pour tous les deux, que c'est chacun dans sa chambre et une seule. Tu ne comprends pas non plus pourquoi elle te met toujours derrière elle quand Abel est là, comme s'il y avait une raison d'avoir peur de ton grand frère. C'est absurde ! Il t'a toujours protégée. Non, décidément tu ne comprends pas. Tu ne comprends rien, pas même pourquoi le monsieur a déjà un nom. Alors, comme ça t'arrive parfois, tu poses la question à maman. Maman répond toujours à toutes tes questions et souvent, elle joue même avec toi et ton imagination ! Elle t'explique qui est telle personne et ce qu'elle fait dans la vie, te demande qui est telle autre et pourquoi elle porte ce prénom, discute de toutes ces choses encore et encore. Elle répond à tes questions sur le monde de la magie, celui des moldus, aussi et à tout ce que tu veux d'autre. Jusqu'alors maman n'a refusé de répondre à tes questions qu'une seule fois. Le jour où tu as insisté pour savoir ce qui se dissimulait dans l'un de tes cadeaux. Mais tu étais petite, aussi. Ce n'est pas de ta faute si tu es curieuse à ce point, d'abord. Et là, tu es certaine que maman répondra...
« Dis maman, Dean Abberline, c'est qui d'abord ? »
Tu vois immédiatement que ce n'est pas comme d'habitude. Dans les yeux de maman, tu lis la surprise, et autre chose, aussi, que tu ne comprends pas. Plus tard, tu comprendras. Mais pour l'instant, tu es trop petite. Les yeux de ta mère te fuient et elle lâche ta main comme si ton contact l'avait brûlée. Ce n'est pas le cas, il fait froid donc tes mains sont froides aussi. Tu n'as pas pu la brûler, ce n'est pas de ta faute pas vrai ?
« Où est-ce que tu as entendu ce nom Abigaël ? »
La voix de maman est aussi froide que le temps. De plus, maman utilise ton prénom en entier et pas juste le surnom qu'elle te donne en temps normal et ça signifie qu'elle est fâchée. Mais tu as beau réfléchir, tu ne comprends pas pourquoi elle est fâchée. Tu n'as rien fait de mal, si ? Lorsque tu réponds, ta voix est un murmure coupable.
« C'est le nom du grand monsieur blond. »
Le visage de ta maman s'est alors crispé et tu as vu cette chose que tu n'arrives pas à comprendre une nouvelle fois. Le sourire qu'elle t'a adressé n'est pas naturel, mais maman a repris ta main et sa voix s'est adoucie.
« Personne, ce n'est personne Abi... »
Pourtant, tu n'as pas obtenu ta réponse.




… Pourquoi ? Pourquoi ?! Tu ne comprends pas et de toute façon, tu ne veux pas comprendre. Tu as sept ans et la vérité éclate enfin. Avec elle, c'est ton bonheur qui disparaît.
« … Tu m'as menti pendant toutes ces années !! Tu as conscience de ce que tu as fait ?! Et... »
La voix de papa résonne dans ta tête, encore et encore, mais tu ne veux plus l'entendre. Tout ce que tu vois, toi, c'est ce grand monsieur blond, au nez si semblable au tien, dont tu connais déjà le nom. Il te sourit, le monsieur. Il te sourit et il te tend la main. Mais toi, tu ne veux pas prendre sa main. Les larmes ruissellent sur tes joues, et tu sanglotes. Lorsque ta voix s'élève, c'est ton père que tu appelles alors qu'il hurle sa peine face au visage de ta mère. Une mère impassible, que tu ne reconnais pas...
« Je... Je veux papaaaa... ! »
Le silence se fait suite à ton intervention, et tous les adultes te regardent. Ils sont gênés, les adultes. Ils ne savent pas quoi te dire, les adultes. Papa ouvre la bouche et fait un pas vers toi avec l'intention visible de te serrer dans ses bras. Et tu aimerais beaucoup qu'il te serre contre lui, papa. Mais maman fait barrage et ouvre à son tour la bouche. Finalement, ce n'est ni maman ni papa qui trouble le silence. Celui qui porte le coup final à ton cœur d'enfant, c'est le grand monsieur blond. Et c'est avec le sourire qu'il te poignarde.
« Je suis là Abigaël... Je suis là...
- Tu n'es pas mon père ! »


Ta voix est un cri suppliant, déchirant aussi, face à cette réalité que tu refuses de voir. Tu secoues la tête, encore et encore, face à ce visage qui ne ment pas et que tu refuses d'accepter. Ce n'est pas ton père. Ton père est là bas et tu voudrais courir dans ses bras. Tu en meurs d'envie. Mais tu sais que maman t'en empêcherait, elle est entre vous-deux et cette première séparation deviendra tristement définitive. Cette dernière fait d'ailleurs un pas vers toi et tu lis dans son regard tout ce que tu voudrais ne pas savoir.
« Ma chérie... Je sais que tu es jeune mais il faut que tu comprennes Abi... Maintenant, c'est avec Dean que l'on va vivre. Et tu verras, il sera un gentil papa. Pas vrai Dean ? 
- Évidemment ! Ça nous en fait des choses à rattraper... Pas vrai princesse ? »


Mais tu secoues la tête aussi brusquement que cela t'est possible. Tu ne veux rien rattraper du tout avec cet homme. Ce n'est pas ton père. Ton père, ton papa, le plus fort de la Terre, il est là-bas, et il te regarde. Dans ses yeux, tu lis beaucoup d'amour. Mais tu vois aussi que cet amour est blessé. Et cette blessure irrémédiable va vous séparer. Tu ne le sais que trop bien et le pire, c'est que tu n'y peux rien.
«  Je veux pas partir ! Je veux que maman reste avec papa et Abel, je veux pas partir ! »
Le sourire de ta mère est maculé de peine, mais il se fait plus sévère, comme pour te rappeler que tu n'as pas le choix. On ne discute pas les décisions des parents. Jamais. C'est alors qu'Abel paraît, en bas de l'escalier qui monte dans vos chambres. Il te regarde et tu lis de la peine dans ses yeux. Abel a mal pour toi, et ça se voit. Ta mère n'a pas le temps de répliquer, et tu en oublies Dean et même ton père. Tu n'as d'yeux que pour Abel et c'est vers lui que tes pas te dirigent. Parce que tu sais qu'il va te protéger. Dean ne parvient pas à t'arrêter. Ta mère te laisse filer. Ton père ne peut pas non plus te stopper et c'est dans les bras d'Abel que tu t'échoues, bras dans lesquels tu déverses ta peine une dernière fois. Parce que c'est la dernière fois que tu vois ton frère aussi longtemps. Et quelque part au fond de toi, tu le sais.
«  Abeeeel... ! Je veux pas que tu m'aimes pluuuus ! T'es mon grand frère, hein ? Tu me protègeras toujours pas vrai ? Tu m'aimes quand même hein ? »
Puis le silence, simplement interrompu par tes pleurs. Tu es inconsolable mais tu profites de cette complicité retrouvée pour la dernière fois. Tu ne veux pas de ce Dean, tu veux ton papa, ton vrai papa qui t'a lu des histoires pendant toutes ces années. Tu n'es pas d'accord pour que Dean prenne sa place. Et puis d'abord, pourquoi il devrait le faire ?! Toi, tu veux qu'il disparaisse. Toi, tu veux qu'il s'en aille. Et les bras de ton frère sont ton refuge pendant encore vingt minutes. Les cris ont repris, pendant ces vingt minutes. Ton père, non, ton beau père, le vrai, pas le faux, mais si, le faux depuis sept ans, tente une dernière fois de soigner son cœur brisé par cette femme qui va t'enlever à lui. Ta mère crie, elle aussi. Elle lui dit plein de choses méchantes que tu n'entends pas, les mains de ton frère sur tes oreilles pour mieux te protéger. Tu as les yeux fermés, aussi. Tu ne veux plus jamais voir quoique ce soit. Ton père prend alors la parole, ton vrai père, pas le faux, mais si le faux, celui qui ne te connaît pas et ne t'a pas vue grandir pendant toutes ces années. Lorsqu'il finit de parler, le silence est de retour. Tu rouvres les yeux, les plonges dans ceux de papa qui n'est plus vraiment ton papa, et tu sais. Tu sais qu'il va t'abandonner. À moins que ce soit toi qui l'abandonnes en suivant maman. Elle prend d'ailleurs la parole et ces mots te glacent à nouveau.
«  Dis au revoir à Abel et à son père, on s'en va. »
Tu t'accroches à ton frère mais on t'arrache à ses bras. Et c'est ton père, non, ton beau père, le vrai, non, le faux, celui qui t'a raconté toutes ces merveilleuses histoires qui te serre dans ses bras. Et quelque part au fond de toi tu sais qu'il s'agit là d'un adieu informulé. C'est alors que tu te souviens. Tu te souviens de ce fameux jour où tu as su. Tu savais depuis le début qu'il viendrait te chercher, cet homme, du moins tu aurais dû et tu comprends. Tu comprends que ce jour-là c'est ton avenir que tu as vu. Un avenir contre lequel tu n'as rien pu.
Ce soir-là c'est Dean qui t'emmènera loin de ces années de bonheur illusoire et ce malgré toute ta résistance de petite fille.




Tu as douze ans et ça fait cinq ans que tu vis avec Dean et maman. Au début, c'était difficile, tu n'étais pas d'accord, tu voulais retrouver Abel et puis ton père, mais tu as fini par t'y faire. Ton père... Ton beau père, plutôt. Tu as du mal à l'accepter, et ce encore aujourd'hui. C'est difficile de se dire que l'homme qui t'a vue naître n'est finalement qu'un étranger, un étranger que tu n'as plus jamais revu, depuis. Tu te souviens, pourtant. Tu te souviens de l'histoire du petit hippogriffe qui s'était perdu et, avec les années, tu as fini par t'identifier à lui. Peut-être que si tu avais écouté la fin de cette histoire, cette nuit-là, tout aurait changé... ? Absurde. Ton raisonnement est absurde et tu ne le sais que trop bien. Pourtant, tu ne peux t'empêcher d'imaginer ta vie comme elle aurait dû l'être. Et tu n'as jamais réussi à considérer Dean comme ton père... Pourtant, Dean est gentil, il est même très attentionné, avec tous ces cadeaux qu'il te fait, toutes ces robes qu'il t'offre et tous les privilèges qui sont devenus les tiens maintenant que tu es la fille d'un sang pur. On lui fait des révérences, des courbettes également, et tu bénéficies des avantages de cet homme qui a choisi de jouer son rôle de père sept ans trop tard. Il t'a même proposé de prendre son nom, ce nouveau père. Ta mère l'a appuyé, a fait valoir les avantages que tu aurais à t'appeler Abigaël Abberline plutôt qu'Abigaël Wildingham et une fois, elle a même tenté de t'y obliger. Mais tu n'as pas cédé. Ce nom, c'est la seule chose qu'il te reste de ton père, enfin non, de ton beau père, et c'est le seul lien que tu as toujours avec Abel. Abel, tu continues à le voir, une fois l'an, pendant l'été, durant deux semaines. Abel, il est distant, mais il t'aime, tu le sais maintenant depuis ce fameux soir et tu considères que tant que tu auras le même nom que lui, il sera obligé de t'aimer. Alors ce nom, tu le conserves jalousement, il devient pour toi un joyau, ton bien le plus précieux, et pourtant, ce n'est qu'un nom. Un nom qui ne t'offrira d'autre privilège que celui de porter le même qu'Abel. Mais pour toi c'est tout ce qui compte. Cette année, tu entres à Beauxbâtons pour la seconde fois. L'année dernière, tu as découvert la vie de sorcière, une sorcière à l'école, et tu t'y es très vite habituée. Tu peux même dire sans crainte que cela te plaît. Première de ton année, tu excelles dans tous les domaines et tu n'as pas ton pareil pour parier comme il faut lors des matchs de Quidditch. Tu t'es fait une réputation de chanceuse alors qu'il n'y a là que ton don, un don que tu as appris à aimer au fil des années et que tu gardes pour toi. Personne n'en sait rien, pas même ta mère. Peut-être que tu aurais dû l'en informer, pourtant... C'était en décembre, un samedi, ou peut être un dimanche. Toujours est-il que c'était en hiver car ce jour-là, il neigeait. Mieux encore, tu étais en vacances à ce moment, tu t'en souviens parfaitement. Tu étais en vacances, et tu regardais par la fenêtre tout en rédigeant une lettre pour ton grand frère. Ah, ces lettres... Il y en a des centaines, de lettres. Tu en rédiges pratiquement toutes les semaines et tu racontes à ton grand frère comment tu vas, ce que tu deviens et ce que tu fais dans ta vie. Tu lui as raconté ton premier jour à Beauxbâtons, la découverte de ta baguette, le choix de ton chat, un chat magnifique que tu lui as demandé de nommer, pour qu'il y ait une trace de lui chez toi. Mais tu ne les envoies jamais, ces lettres. Alors le chat n'a pas de nom. Il s'appelle simplement le chat, c'est tout. Ton frère ne sait pas et ne saura jamais toutes ces lettres que tu rédiges et pourtant, s'il les lisait, il serait le seul à savoir pour ce que tu sais faire. Mais là n'est pas la question. Ces lettres n'appartiennent qu'à toi, à vous, peut être, mais elles ne sortiront jamais d'ici. Ce jour-là, tu lui racontais ce que tu voulais pour noël et ce que tu lui avais acheté pour lui. Mais comme pour les lettres, ces cadeaux, il ne les a jamais eu... Puis, à un moment, tu as écris son nom. Tu t'es appliquée, parce que c'était Abel et que tu aimes toujours ton frère très très fort et que tu l'admires et que tu veux que cette lettre lui plaise. Mais ton stylo dérape brusquement alors que tout autour de toi se modifie. Tu te retrouves soudainement entre les murs d'un autre établissement scolaire, mais ce n'est pas Beauxbâtons, non, c'est ailleurs, de ça, tu en es sûre. Tu es dans une salle de classe et il y a beaucoup de chaudrons, il doit s'agir du cours de potion, mais tu n'en es pas sûre. Au milieu de cette pièce, il y a quelqu'un, et cette personne parvient à t'arracher un sourire immense, rempli d'une joie que lui seul sait encore faire naître. Abel. C'est Abel qui discute bruyamment avec un autre étudiant que tu ne connais pas mais dont tu vois précisément le visage. Tu comprends alors que tu es à Poudlard parce que c'est là qu'étudie ton frère. Une part est contente de le voir, lui qui te manque si fort mais tu sais qu'il y a quelque chose qui ne va pas. La tension. C'est la tension que tu ressens... Et elle est bien, bien trop présente. Tu ne comprends pas les paroles qui s'échangent, alors tu promènes ton regard dans la salle et là, sur le bureau, tu vois une date. Il s'agit du mercredi suivant. Tu es dans l'avenir de ton frère et cette idée te fait sourire. Un sourire qui meurt la seconde d'après. Sans que tu ne comprennes pourquoi, voici que tout explose. Tout. Et ton frère est au centre de la scène... En danger ! Il est en danger, il faut l'aider ! Tu tends la main vers lui et c'est en hurlant son nom que tu regagnes le présent. Ta mère arrive en courant, inquiète face au hurlement de ton cœur et toi, toi, tu as envie de pleurer. Mais tu ne pleures pas. Tu ne pleures plus depuis tes sept ans, ou très rarement. Quelque part dans ta poitrine, ton cœur te fait mal. Mais pour Abel, pour ton frère, un frère que tu as vu dans une colère proche de la folie, tu trouves le courage de prévenir ta mère. Et si l'avenir n'était pas immuable ? Et si tu avais la possibilité de le changer ? Tu veux y croire et les mots qui se déversent de tes lèvres en sont la preuve. Ce sont des supplications que tu adresses à ta mère...
« Maman, il faut que je vois Abel. Immédiatement, je t'en supplie, c'est très important ! »
Mais ta mère refuse. Et tu as beau hurler, supplier, presque pleurer, elle se montre intransigeante. Tu tiens là la preuve qu'elle n'aime pas Abel et lorsque tu lui dis, elle te retourne une claque retentissante. Le mercredi suivant ton frère finit à l'hôpital. Ta vision était exacte et il mettra cinq mois à s'en remettre. La part de toi qui le pensait incapable de faire cela est stupéfaite. En toi naît la peur aux côtés de l'amour. Et ta mère ne fait que nourrir la première de ces deux émotions.






Tu as seize ans et tu viens d'emménager en Angleterre. Derrière toi, tu laisses Beauxbâtons pour Poudlard et une part de toi est fière de s'y trouver : ton frère y a étudié. Un frère que tu as suivi de loin pendant toutes ces années, des années que tu as passé à comprendre ton don et à le maîtriser. Et aujourd'hui, tu sais. Tu sais comment l'appeler à toi et obtenir les réponses à tes questions et ton don ne te sert que pour deux choses : savoir ce que devient ton frère et parier. Avec le temps, tu apprends à vivre également dans le futur, à prévoir plutôt qu'à voir et pour toi, ce temps est aussi le tien. Ce que tu vois sera. C'est une vérité dont tu es persuadée et tu penses que tu ne peux pas empêcher ce dont tu es le témoin privilégié. Tu suis les choix de ton frère, bons ou mauvais, tantôt dans la crainte de le voir mal tourner, tantôt dans l'espoir de le revoir bientôt. Ta vie tournera autour de celle de ton frère, ça tu en es persuadée. Pour ce qui est de toi, tu paries ce que tu sais déjà, pariant peu, gagnant gros et très vite, ton nom, non, pas celui que tu aimes si fort, l'autre, Abberline, se fait connaître auprès des joueurs de tous les bords, joueurs venant vers toi dans l'espoir de remporter gros. Scolairement parlant, tu es brillante. Tu as réponse à tout, tu étudies avec assiduité et tes parents ne sont pas surpris de te savoir chez Serdaigle. Tu es sage et à part lorsqu'il s'agit de parier, tu ne joues pas avec les pouvoirs qui sont les tiens. Tu sais où se trouve la limite à ne pas franchir, et tu la respectes. Lorsque, l'année de tes dix-huit ans, tu obtiens un Optimal à chaque épreuve de tes examens, tu n'es pas surprise le moins du monde. Et pour cause : tu le savais. Dans ton armoire, les lettres adressées à ton frère s'entassent. Mais tu n'as toujours pas trouvé le courage de le revoir...




Dix-neuf ans. Tu as dix-neuf ans et tu viens d'être mise à la porte par ta mère. De tes douze années de vie passée il ne te reste qu'un chat, Le Chat, et des lettres. Des milliers de lettres qui encombrent une valise entière, une valise que tu emportes évidemment avec toi... Dans tes bagages se trouve également ta baguette, ainsi qu'une boule de cristal que tu emportes partout avec toi. Elle est le lien qui te relie à ton frère, la preuve ultime que tu ne l'as pas abandonné. Dans un sac, quelques tenues viennent compléter tes maigres possessions. Dans ta main gauche, la main du cœur, tu tiens ta boule de cristal. Ta main droite frappe contre le bois d'une porte. Tu n'es pas ici par hasard, tu sais qui vit ici et c'est pour ça que tu es là. L'appréhension monte en toi à mesure que défilent les secondes puis vient l'instant fatidique. L'instant où la porte s'ouvre. Tes lèvres se dénouent et ta voix filtre dans le froid londonien.
« Salut Abel... »
Face à toi, ton frère. Ton visage est à mi chemin entre peur et bonheur. Mais une chose est sûre, il t'a profondément manqué.