« dominique, descends tout de suite ! » Tu secoues la tête en négative avant de laisser échapper un gloussement. Un son léger, quelques notes enfantines et insouciantes que peu savent reproduire. Ta minuscule silhouette tressaute légèrement et ta mère te couvre des yeux avec insistance, persuadé que tu vas tomber. Mais tu ne tomberas pas, et tu le sais. Tu ne fais que reproduire une activité que tu entreprends de faire plusieurs fois par semaines, au grand dam de tes parents.
« dominique ! » Six ans que tu entends cet accent, six ans et il te semble toujours aussi drôle. Ce qui est certain, c'est que ton père ne prononce pas ton nom de cette manière.
« dominique, tu vas descendre du toit maintenant ! » tu soupires, exaspérée. Elle ne peut pas te reprocher de tenter de te divertir en ce jour où Victoire est finalement entrée à l'école des sorciers, vous laissant derrière, toi et Louis. Elle ne peut pas non plus te reprocher de faire des pieds et des mains pour obtenir un peu d'attention supplémentaire. Tu es la plus jeune de ta famille, et possiblement plus turbulente que les deux autres. Tu as le sang chaud, et tu ne manques pas une occasion de le démontrer. Question caractère, on a du mal à déterminer si tu tiens plus de Fleur ou de Bill. Ce dont on ne doute pas, cependant, c'est que tu ne donnes pas ta place. Tu n'es pas Victoire, tu n'es pas Louis. Tu es Dominique. Dominique au rire facile, Dominique déjà trop autodidacte pour son âge, Dominique qui adore entendre les histoires de dragons que raconte son oncle Charlie et regarder les plus grands jouer au quidditch. Dominique qui va avoir des problèmes si elle ne descend pas du toit dans les plus brefs délais.
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« weasley, dominique. » tu as l'impression de carburer à un mélange d'excitation et de nervosité. Combien de fois as-tu imaginé cette scène ? Plus souvent que tu n'oserais te l'avouer. Ça a commencé le jour où Victoire est entrée à Poudlard. Tu l'as tout d'abord imaginé elle, marchant gracieusement jusqu'au tabouret et enfiler le choixpeau comme un simple bonnet de laine. Progressivement, ton image a remplacé celle de ta soeur et c'est toi qui s'es retrouvé à la cérémonie de répartition. Or, en ce jour de la rentrée, ton imagination n'y est pour rien. Ironiquement, cette fois, tu as l'impression que c'est quelqu'un d'autre que toi qui place délicatement le couvre-chef magique sur sa tête. Ça y est, tu vas te faire répartir. Tu jettes un bref coup d'oeil à Victoire, qui t'observe de la table des Gryffondor. Louis fait la même chose, à la table des Serdaigle. Tu te détournes, consciente que les chances de te retrouver chez les bleus et bronzes sont minimes, voir inexistantes. Tu ne possède aucune patience et ta curiosité intellectuelle est proportionnelle à l'intérêt que tu démontres, et soyons honnêtes, tu es plutôt sélective à ce sujet. Tu te demandes naïvement si tu devras faire semblant de t'intéresser à certaines matières, si on t'y envoie malgré tout.
« une weasley ? ils se font de plus en plus rare. » dit le choixpeau à ton oreille, sur un ton qui trahit son sarcasme. Peut-être essaie-t-il de te faire sentir coupable d'avoir autant de cousins. Tu encaisses le commentaire, trop tendue pour songer à répliquer. Tes mains se crispent sur le bord du tabouret et tu attends.Tu attends qu'on te dise qui tu es, qui tu seras ou qui tu devras faire semblant d'être.
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« nerveuse ? » te demande la fille assise à tes côtés. Tu lui jette un regard empreint d'une dignité feinte.
« non. » Tu mens.Tu n'aimes simplement pas qu'on sache quand tu es nerveuse ou que tu as peur. Étant la cadette d'une famille de trois enfants, tu as souvent l'impression de devoir faire tes preuves, même si c'est uniquement toi qui t'ai mis cette idée en tête.
« ce ne sont que des essaies, après tout. » tu poursuis, te demandant si quelque part, tu n'essaie pas de te convaincre toi-même. Depuis un moment déjà, tu jettes des regards inquiets aux membres de l'équipe de quidditch de Gryffondor, qui sont presque tous plus agés et surtout plus imposants que toi. Tu n'as que douze ans, après tout. Cela dit, tu repousses ce moment depuis trop longtemps. Depuis ton entrée à Poudlard, l'idée de faire partie de l'équipe t’obsède, toi qui as désiré monter sur un balai dès qu'on a bien voulu te l'apprendre. C'est maintenant ta chance ; c'est la rentrée et les rouges et or on perdus quelques joueurs qui ont terminés leurs études l'année précédente. À cours d'excuses pour te désister, tu t'es rendue sur le terrain comme demandé, prête à montrer ce que tu sais faire. Mais à regarder les amateurs tenter de démontrer leur talent avant toi,
ce que tu sais faire semble être un concept incertain.
Ce que tu sais faire pourrait bien devenir
ce que tu ne sais plus. Il est cependant trop tard pour te remettre en question, c'est à toi. Un balai appartenant à l'école en main - tu n'es hélas pas encore autorisée à en avoir un qui t'appartiens - tu t'avance vers le milieu du terrain. Un joueur t'y attend, un souafle coincé sous son bras et une expression presque moqueuse sur son visage. Il te lance un défi silencieux, alors en silence également, tu lui réponds. Un sourire espiègle se forme sur tes lèvres, et au même moment, la détermination apparaît dans ton regard. Tu n'as jamais parlé à ce jeune homme, mais en cet instant, vous vous comprenez. Il chevauche son balai pour te donner le signal avant de s'élever dans les airs. sans plus attendre, tu fais de même. alors que tes pieds quittent le sol, tu ne peux t'empêcher de te dire que tout vas bien aller. La brise accentuée par ton altitude soulève tes cheveux qui viennent caresser ton visage, le soleil de septembre réchauffe ton dos à travers ta mince cape et l'adrénaline s'insinue dans tes veines, comme si on t'avais offert une généreuse dose de felix felicis par intraveineuse.
oui, tout va bien aller.
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« c'est terminé pour aujourd'hui. » Lance la capitaine des Flèches d'Appleby, après avoir sifflé un bon coup, probablement pour s'assurer que les villes voisines soient également mises au courant pour la fin de la partie. Cette pratique t'as laissé avec la vague impression que tous tes muscles sont endoloris, la sueur perle sur ton front et colle tes cheveux à ta nuque et tu es certaine de t'avoir bien amoché l'épaule, avec la tache sombre qui orne la manche de ta robe. C'est pourtant avec le sourire aux lèvres que tu te laisses piquer délicatement vers le sol. Les pratiques ainsi que les matchs amicaux te font toujours penser à tes années au château de Poudlard - particulièrement aujourd'hui, soit le jour de la rentrée. Tes années insouciantes, ou la menace des forces des ténèbres te paraissait terriblement lointaine. Tes années utopistes, avant que ne s'impose à toi la conclusion pessimiste que tu n'étais pas intouchable. Grandir c'est comprendre, et comprendre, c'est tomber de haut lorsque le processus se produit trop vite.
« bon match, weasley. » lance une voix sur ta gauche. Tu fais volte-face et offre un sourire éblouissant à l'un des batteurs de ton équipe. Tu sais que tu lui donnes probablement de faux espoirs, en étant aussi chaleureuse avec lui alors qu'il te fait régulièrement des avances, mais c'est dans ton caractère. Tu aimes bien dire que c'est aussi héréditaire, et que donc tu n'y peux rien. Puis, cette attention est un plus à ton métier, qui déjà te satisfait pleinement. Joueuse de quidditch professionnelle, le titre aurait pu être créé pour toi. Cependant, comme tu ne peux pas vaincre les ténèbres et contenter ton honneur en entreprenant de séduire tout le monde et en attrapant une balle en plein vol, tu as aussi rejoins l'Ordre. De toute façon, on en attendait pas moins de toi, avec tes antécédents familiaux, ton tempérament combatif et ton goût prononcé pour toute forme de provocation. Tu ne pouvais pas être neutre, même si tu es très bien capable de ne penser qu'à toi et à ta passion, par moments. Ton instinct t'as donc poussé vers l'Ordre du phénix, qui se rapproche largement plus de tes idéologies que les concepts mangemorts. Cet instinct venait de toi et de personne d'autre. Jamais tes proches ne te forceraient à aller dans une direction opposée à tes principes, ils savent tous qu'avec toi, c'est peine perdue.
« t'étais pas mal non plus. » tu réponds finalement. Puis, sans qu'il ait le temps de rajouter quoi que ce soit, tu laisses le batteur en plan et t'éclipses au vestiaire. Peut-être qu'un jour, tu auras une place pour lui dans ta vie. Peut-être qu'un jour, tu te souviendras même de son prénom.