teddy lupin | love me or kill me
Pendant quelques instants, le monde s'arrête de tourner. Souffle court, vous vous observez en haletant. Vos capes ont glissé de vos visages ; vous êtes à découvert, vous êtes en danger. Tu remarques pour la première fois à quel point ses yeux sont bleus. Trop bleus. Ted Lupin. Tu le connais, de nom, comme ça. C'est le filleul de Harry Potter. C'est l'ennemi. Il te traque depuis près d'une heure pour t'empêcher de faire du mal aux sang-de-bourbe. Tu dois faire quelque chose. Tu dois agir, MAINTENANT. Mais ton cœur bat trop vite. Depuis quand est-ce que ton cœur est à même de battre aussi vite ? « Endoloris ! » tu hurles un peu par réflexe, tandis qu'il s'écroule devant toi. Tu l'as surpris, il ne pensait pas que tu attaquerais. Toi non plus, tu pensais ne pas y arriver. Comment as-tu pu t'arracher à la contemplation de ce regard délicieux ? Tes mains tremblent, ta lèvre aussi, tandis qu'il gemit de douleur à tes pieds. Tu devrais être contente, pourtant. Plus loin, quelqu'un crie ton nom. Tu mets fin au sort et tu t'enfuies, sans te retourner.

Une main se referme sur ton bras et tu sursautes. La silhouette t'entraîne dans une ruelle plus sombre et te pousse violemment contre le mur. Tu détestes qu'on te traite ainsi, ce n'est pas digne de toi. Tu es prête à le lui faire savoir, quand il enlève la capuche de sa cape noire. Encore lui. « Vous n'êtes pas mort ? Dommage, ce sera pour la prochaine fois. » te sens-tu obligée de lancer d'un ton railleur. Pourtant, tu n'en mènes pas large. Qui te dit qu'il n'est pas là pour se venger ? Tu meurs d'envie de t'enfuir, comme tu passes ton temps à le faire. Fuir, parce que tu es lâche. Tu te reposes sur ce que papa-maman t'apportent, tu te fiances sans amour parce que ça ne te fera pas souffrir, ta vie est régie par une suite logique de fuites illogiques. « La ferme, Avery. » Lâche-t-il sans ménagement. Tu écarquilles les yeux : personne ne te parle jamais comme ça ! Il se rapproche de toi, t'attrape par le col, tu es pétrifiée. Tu peux sentir son souffle sur ta peau, son odeur. C'est terrifiant, et entêtant. « Nous n'avons pas beaucoup de temps, alors  écoute-moi bien : je sais qu'au fond tu n'es pas quelqu'un de mauvais. Je peux t'aider. D'accord ? Je peux te sortir de cet enfer. Mais en échange, tu dois m'aider aussi. » L'aider ? Non. Ton coeur tambourine dans ta poitrine, le feu te monte aux joues. La panique te gagne. Tu vas fuir, comme d'habitude. Comme la lâche que tu es. Tu glisses tes mains sur son torse avec lenteur, et le pousses de toutes tes forces. « Hors de question, allez vous faire foutre ! Ma vie me convient parfaitement, j'ai tout ce que je veux, je vais me marier et je continuerai à faire payer le prix de leur existence à ces sang-de-bourbe ! Et je vous tuerai, vous aussi. » Tu disparais devant son regard empli de colère, le cœur lourd. Personne n'avait jamais voulu t'aider, avant. T'aider à quoi, au juste ? Tu es prisonnière de ton enfer, et tu t'y complais. Alors pourquoi est-ce que ça fait si mal ?

« Je suis pratiquement sûr que c'était Ted Lupin. » « Tu dis qu'il a vu le visage d'Idryss ? » « Oui, pendant le combat le visage de ta fille a été découvert. » « Je vois. Il faut qu'on s'en débarrasse, alors. » Plaquée contre le mur, main sur la bouche, tu écoutes la conversation qui se déroule dans la pièce voisine. Ils vont s'en prendre à lui. Mais c'est une bonne chose, non ? Tu seras tranquille, tu ne risqueras plus rien. Pourtant, pour la première fois, tu te laisses guider par un courage que tu ne pensais pas posséder. Un courage que tu te découvres à l'instant même. Depuis quand es-tu quelqu'un de courageux ? Depuis quand ton cœur s'est-il remis en marche ? Et depuis quand t'empresses-tu d'aller dire à l'ennemi qu'il est en danger ? Ton existence a pris un tournant inattendu. Plus excitant qu'il n'a pu l'être jusqu'alors. Après plusieurs heures de recherche, tu lui tombes enfin dessus. Il n'est pas facile à retrouver. Tu as même cru abandonner. Ta main se referme sur son poignet. Cette situation, tu as la sensation de l'avoir déjà vécue. A ce moment-là, c'était lui qui voulait t'aider. Est-ce pour ça que tu es là ? Tu ne prends pas la peine de découvrir ton visage, il sait très bien qui tu es, tu n'en doutes pas. Avant qu'il n'ait le temps de dire quoi que ce soit, tu lances : « La ferme Lupin. Nous n'avons pas beaucoup de temps, alors écoute-moi bien : je sais qu'au fond tu n'es pas quelqu'un de mauvais. » Tu te contentes de copier ses mots car si tu veux le mettre en garde, tu es incapable de savoir comment on se montre gentil avec l'ennemi. Il ricane et secoue la tête. « Viens en au fait, gamine. » Gamine, toi ? Tu tapes du pied, agacée. Pourquoi est-ce que tu voulais l'aider, déjà ? Tu le détestes. Tu le détestes de te faire ressentir toutes ces choses, bonnes ou mauvaises, ces choses violentes qui te coupent le souffle, te rendent vulnérable. Ted et ses yeux trop bleus, Ted et sa façon de te regarder. Dans son regard, tu n'es pas qu'un vulgaire objet, un bout de viande. Il y a autre chose. Dans le reflet de ses prunelles couleur de ciel, tu pourrais presque te trouver belle. « Mon père t'a pris pour cible, il va te faire la peau. Voilà, c'est tout. » Le silence plane pendant quelques secondes, les plus interminables de ta vie. C'est alors que Ted se penche vers toi. Il retire partiellement ta capuche, prend ton visage dans ses mains et dépose ses lèvres au coin des tiennes avec une douceur infinie. Bien différente des coups que tu reçois d'habitude. Tu ne bouges pas, tu ne peux pas lui laisser comprendre que tu aimes ça,  que tu voudrais nouer tes bras autour de son cou et sentir son corps contre le tien, brûlant.  Mais tu pries pour que ça dure. Toujours. Il t'arrache à la tendresse de l'instant,  le premier de ta vie, et le monde te semble à nouveau froid et dénué de sentiments. « Merci, Avery. » souffle-t-il avant de disparaître dans la ruelle. Tu le regardes partir, ébêtée, le coeur lourd. Reviens, tu aurais aimé crier, mais il est deja loin. Lentement, tu caresses du bout des doigts l'endroit où ses lèvres ont effleuré les tiennes. C'est sûrement pour cette raison, que tu as voulu l'aider, finalement. Qu'est-ce que tu peux le haïr ! Non, tu ne laisseras personne lui faire du mal ... tu le tueras de ta propre main.