« J’ai envoyé toute ta famille chez les Serdaigles, mais toi… Toi, tu es trop différent, vois-tu ? Tes pensées me semblent trop sombres, trop emprises de colère. Et tu as de l’ambition, oui. Enormément. Tu veux réussir dans la vie et tu y arriveras. Je vois aussi un peu d’amour, une vague d’émotions dont tu ne peux pas te dégager, qui te fait couler… Tu iras à Serpentard. »Les chuchotements se faisaient de plus en plus incessants. Archie pensait ne pas y faire attention, mais comment pouvait-il oublier les mots blessants qu’il saisissait à son passage dans les couloirs ? Comment pouvait-il omettre d’entendre les noms terribles qu’il donnait à sa mère, la moldue de la famille ?
— La ferme, lança-t-il en direction du petit groupe de serpentards à sa droite.
Ils avaient les yeux rivés sur lui et même après sa réplique défensive, leurs lèvres ne cessèrent de bouger, prononçant des murmures sur cet élève qui n’aurait certainement pas dû être chez les serpents.
Il y avait des jours où Archie regrettait de ne pas avoir contredit la décision du choixpeau magique. Une simple pensée de sa part lui aurait peut-être permis de rejoindre les Serdaigles, la maison où tous les sorciers de sa famille avaient fait leur scolarité. Pourquoi fallait-il qu’il soit si différent d’eux, si différents de ses parents ? Le jeune adolescent n’avait rien de sage en lui, au contraire de son père. Et sa personnalité ne ressemblait en rien à celle d’un serdaigle ; son ambition et sa nature colérique le prédestinaient à rejoindre les rangs qu’il occupait aujourd’hui.
++++
Le vent soufflait déjà sur son visage alors qu’Archie s’élevait encore plus haut. Il sentait le bois de son balai trembler d’impatience à l’idée d’être enfin sorti de son placard. Les premiers matchs de Quidditch commençaient dans quelques semaines et l’entraineur des Serpentards avait réservé le terrain pour que l’équipe puisse reprendre un peu d’énergie avant leur première rencontre.
Ses yeux se posèrent un instant sur cette fille encore à terre. Pendant un instant, c’était comme si sa présence l’avait envouté. Archie ne fit plus attention à rien – pas même à son coéquipier, Zaine, qui passa juste au-dessus de lui, frôlant presque sa tête avec le bout de son balai. La belle leva son visage et Archie ne put empêcher ses cheveux de prendre cette teinte magenta affreuse qui apparaissait à chaque fois qu’il la voyait.
— Très à la mode, ton rose, se moqua un autre de ses camarades en volant à ses côtés.
Son don de métamorphomage faisait souvent rire les autres élèves de Serpentards. En réalité, Archie en jouait beaucoup pour se faire apprécier. Cela lui permettait d’avoir ce rôle de « farceur », bien qu’une seule remarque désobligeante quant à son don valait une insulte et de la rancune de sa part. Personne n’avait le droit de ridiculiser sa capacité à changer son apparence. Cela revenait à critiquer l’héritage de sa famille et Archie paraissait un peu trop protecteur envers ses proches.
— Fiche-moi la paix, Loyd, répliqua-t-il en détournant le regard de la brune qui montait sur son balai.
La batte entre les mains, Archibald s’éloigna pour faire quelques tours du stade, les pans de sa robe de sorcier volant autour de lui. Jamais encore il n’avait ressenti pareille sensation. Voler sur son balai était presque devenu une raison de vivre depuis qu’il avait intégré l’équipe, il y a de cela maintenant trois ans. Parfois, alors qu’il regardait les joueurs sourirent sur le poster au-dessus de sa table de nuit, Archie s’imaginait à leur place. Habillé d’une robe couleur orange, tenant entre ses doigts le bois d’un balai à la valeur inestimable. Un soupire d’aise s’échappait alors de ses lèvres fines et il souriait. Il lui semblait déjà entendre les hurlements des supporters l’entourer, le flash des photographes, avides d’obtenir le meilleur moment du match. Un groupe de fans, derrière lui, criant son nom encore et encore…
++++
— Archie, par ici !Les voix s’emmêlaient au milieu de la foule et Archibald, le sourire éclatant, se pavanait devant eux. Il réajusta sa robe, lissant les épaules déjà bien placées, puis tourna son visage vers le public. Le jeune homme avait pris l’habitude de ce genre d’évènement publicitaire. Si au départ cela l’avait agacé, il y trouvait maintenant un certain intérêt. Sa gloire ne faisait qu’augmenter ces dernier temps et aujourd’hui comme hier, les Canons de Chudley feraient la une de la Gazette du Sorcier. Tous les supporters de Quidditch ne parlaient que de la dernière victoire écrasante de l’équipe et Archie ne s’en sentait que plus important et conquérant.
Son rêve de gosse venait de se réaliser et en plus de cela, il y gagnait une bonne réputation dans le monde des sorciers. Ses exploits en tant que batteur étaient applaudit et on le surnommait déjà l’Imbattable, car ces coups ne manquaient jamais leur cible.
++++
Les yeux d’Archie s’ouvrirent sur un plafond blanc. Il les referma un instant, ébloui par la clarté environnante. Une grimace parcourut son visage alors qu’il ressentit une douleur atroce provenant de ses jambes. Son crâne semblait aussi assez douloureux et il leva une main pour se frotter le front. Chaque geste lui coûtait un gémissement de souffrance.
Une porte s’ouvrit à sa droite et il vit la silhouette de sa mère, les yeux baignés de larmes.
— Archie, dit-elle en s’approchant de son lit.
Tu es enfin réveillé, Dieu soit loué.Le jeune homme éprouva une nouvelle douleur lorsqu’elle lui serra la main. Tout son corps semblait être en feu ; chaque parcelle de peau, chaque organe qui le constitué lui brûler, comme s’il avait été mis sur le bûcher.
Son père, qui se tenait un peu à l’écart, paraissait comme tétanisé. Il observait son fils, les lèvres tirées en une grimace. Le voir couché sur ce lit à Sainte Mangouste, torturé par la douleur, le rendait malade. Même si la célébrité de son enfant était venue s’interposer entre eux, il ne se passait pas un jour sans qu’il ne pense à lui. Son fils unique, la chair de sa chair. Bien sûr, il n’était pas spécialement heureux de le voir porter cet air arrogant dans les journaux. La gloire semblait lui être monté à la tête et son caractère déjà difficile ne pouvait l’être que plus depuis.
— Papa…, chuchota Archie en se tournant vers son père.
J’ai tout gâché… Je suis désolé.— Tout va s’arranger, répondit l’autre précipitamment.
C’est promis.++++
Les bruits de pas dans les couloirs commencèrent à diminuer. Il se faisait tard et déjà le soleil se couchait à l’horizon. En voyant la lune apparaître à travers la fenêtre de son bureau, Archibald pensa qu’il était temps de mettre fin à cette journée de travail interminable.
D’un coup de baguette magique, ses affaires vinrent se ranger convenablement dans son sac qu’Archie referma soigneusement. Il enfonça sa baguette dans la poche de son pantalon et sortit de la pièce, s’aidant d’une canne en bois. Un petit soupire s’échappa de ses lèvres : il allait enfin pouvoir se reposer.
La semaine n’avait pas été de tout repos pour le niveau sept du Ministère de la Magie. Les préparatifs démesurés de la prochaine Coupe du Monde de Quidditch commençaient déjà à se mettre en place ; tout était fait pour rendre les célébrations discrètes aux yeux du monde moldu, mais il fallait également satisfaire les supporters de ce sport qu’Archie connaissait maintenant sur le bout des doigts.
Sac en main, Mortlake se dirigeait vers l’ascenseur au bout du couloir d’un pas hésitant. Son collègue, Marcus Flinger, lui lança un sourire satisfait. Il était probablement venu à bout de ce problème concernant les pièces d’un jeu d’échec devenus beaucoup trop violents.
— Ces cavaliers m’ont vraiment donné du fil à retordre, lâcha-t-il alors que l’ascenseur prenait de la vitesse.
— Je vois ça, tu as plus de cheveux blancs que ce matin, répondit Archie en s’appuyant sur sa canne d’un bois clair.
La cabine s’arrêta à l’accueil et les deux hommes en sortirent en se saluant mutuellement. Archie prit la direction d’une cheminée, mais alors qu’il s’apprêtait à y mettre le pied, une chevelure brune attira son attention.
Elle n’avait pas changé depuis toutes ses années. Son visage ressemblait encore à celui qu’il s’était remémoré durant son absence, bien que son souvenir ne lui rendait absolument pas justice. Elle irradiait de beauté et Archie se sentit fondre de l’intérieur, comme l’aurait fait un morceau de glace sous le rayon brûlant du soleil. Il garda néanmoins une expression neutre sur le visage, dans le respect de sa personnalité. Ce qui n’empêcha pas ses cheveux de prendre une teinte rosée qui jurait beaucoup trop avec la couleur de ses yeux.